AU SERVICE DES ACTEURS DE L’INNOVATION
logogarantiejeune

Bleu, saignant ou à point : « Mieux que la Diagonale des fous, l’exploit ! »

 

« La Garantie Jeunes forme surtout des stagiaires » titre Clicanoo (*) le 14 mars 2017. Se rend-t-on compte de l’incongruité d’un tel constat ? Ainsi, la valeur ajoutée de cette mesure-phare de la politique de l’emploi pour les jeunes se résumerait à permettre aux jeunes de faire des stages gratias pro deo chez des employeurs en étant (un peu) payés par l’Etat ? On se dit qu’on rêve, plutôt cauchemarde, que ce n’est pas possible, qu’il y a une erreur… mais, poursuivant la lecture de l’article, on apprend que « l’immense majorité (83 %) ont (sic) bénéficier (re-sic) d’un stage à la sortie ». A la sortie de quoi ? Et bien, sans doute, de leur année de Garantie Jeunes. Ah, les stages ! Ils seraient « une première introduction en entreprise qui dans 80 % des cas autorise à décrocher un premier job »… sauf que, toujours selon Clicanoo, seuls 15% ont « réussi cet exploit à l’issue du processus » ! Décrocher un job, ce qui est très-très loin d’avoir un métier, devient un – oui – « exploit » réservé à moins d’un jeune sur six au terme d’un labyrinthique parcours de multiples stages. Passons sur la dérive du métier à l’emploi qui s’échoue en job, continuons à croire dans la « valeur travail » et embrassons-nous Folleville !

Tentons de résumer : 80% des cas les stages permettent de décrocher un emploi (comme le pompon sur le manège) mais seuls 15% des jeunes réunionnais réussissent (soit moitié moins qu’à l’échelle nationale) : sacré hiatus ! Pierre Bourdieu avait bien raison de dire que « les statistiques sont la science de l’erreur ». Le coût unitaire (= par jeune) de la Garantie Jeunes est de 6000 €/an (Cour des comptes, L’accès des jeunes à l’emploi, septembre 2016), soit pour les 5874 jeunes réunionnais concernés un total de plus de 35 millions d’euros. 35 millions d’euros représentent 17 500 mois, soit 1458 années, de salaires « chargés » au SMIC et à plein temps qui auraient alimenté les caisses de la protection sociale, auraient produit de la richesse, se seraient dépensés dans les commerces et les entreprises qui auraient pu investir, se développer. Tonneau des Danaïdes ou bon sens vertueux ?

Consolons-nous : nombre d’entreprises ont acquis une nouvelle compétence, la gestion des ressources humaines en stage avec une planification rigoureuse de la farandole des rotations. Et sur la piste d’On achève bien les chevaux, les stagiaires valsent jusqu’au jour où, épuisés, dégoûtés, écoeurés, révoltés, ils demanderont des comptes.

Il y a des jours comme ça où l’on se demande si Dieu ne boit pas.

 

Philippe LABBE

(*) http://actus.clicanoo.re/article/economie/1434219-la-garantie-jeunes-forme-surtout-des-stagiaires